Bannière

Bannière

mercredi 23 septembre 2015

Rodrigue (chronique + interview)



Rodrigue, trois disques, cinq clips, un univers complètement fou et désordonné mais très rock. A partir de l'album Le jour où je suis devenu fou et son titre-phare éponyme, l'artiste s'est créé un univers graphique très personnel, facilement reconnaissable et souvent porteur d'un message plus profond que ce que ses apparences fantaisistes laissent paraître.



Le Lillois fait preuve dans ses trois albums d'une grande diversité musicale, évoluant d'un rock'n'roll traditionnel à des titres jazzy très légers, en passant par un électro complètement psychédélique et des chansons très acoustiques ; le tout étant rendu cohérent par la folie qui empreint chaque morceau et les textes, qui trouvent écho les uns dans les autres. Sous couvert d'un joyeux bordel (la chanson la plus connue de Rodrigue est aussi la plus folle, ce qui contribue encore plus à montrer son personnage comme fou), tout dans l’œuvre du chanteur est travaillé jusqu'à la perfection. Les clips, malgré leur budget visiblement un peu limité, sont vraiment géniaux (la mise en scène du clip en quasiment un seul plan Un petit mot de travers est remarquable et donne un plus grand relief au texte, la fausse nostalgie de celui de Regrets permet une intéressante réflexion sur la notion de réussite, celui de L'indien est aussi mystérieux qu'envoûtant).
L'orchestration est géniale, particulièrement sur des titres comme La route, Macabre ou Un petit mot de travers. Et tout est réussi, les arrangements, le mixage, le son des instruments, les lives brillamment mis en scène (on en trouve quelques-uns sur sa chaîne Youtube, le lien est plus bas), et des paroles toujours recherchées et pleines de sens. Enfin, pas vraiment toujours. Mais presque. (Et les titres tels que Hentai, Sa chatte, 69 degrés ou Sexy fix sont assez amusants, aussi. Cela mérite d'être mentionné.)

Malgré toutes ces qualités, la musique de Rodrigue manque parfois un peu d'ambition. L'indien, par exemple, ressemblerait presque à une version à petit budget de chansons épiques et mystérieuses du type Woodkid, manquant d'envergure, trop hésitante… Les morceaux d'électro (Sweet androïd, Sa chatte, la fin du Bal des sorcières…) sont réduits à un beat, une basse et un synthé ou deux pour la mélodie, alors que l'intérêt de l'électro est aussi de pouvoir rajouter autant de couches qu'on veut ; des sons plus amples et plus saturés auraient été bienvenus.
La chanson Macabre, longue de plus de 8 minutes, commence aussi sur un ton épique transformé au bout d'une minute en une ballade inquiétante à la Danny Elfman, mais qui a encore une fois perdu l'effet grandiose qu'elle aurait pu avoir. Même Stone, le titre le plus rock de l'album, manque un peu de panache par moments…

Mais c'est juste un petit bémol à une œuvre exceptionnelle et très complète pour seulement trois albums, avec un monde très personnel comparable à celui de Dionysos (Rodrigue serait-il le nouveau Matthias Malzieu ?), et des compositions toujours géniales. Oui toujours. Ne mâchons pas nos mots.

Il faut bien un peu de flatterie, puisque l'intéressé lira certainement l'article étant donné qu'il a accepté de répondre à une petite interview, que voici.



Interview de Rodrigue

Quand as-tu commencé à jouer de la musique ?

A l'âge de 7 ans par le piano, j'en ai fait 3 ans avant de préférer les jeux vidéos...
Puis la musique est revenue par la pop, le rock, le hard rock, le métal, des trucs mainstreams finalement
mais à l'époque, le mainstream n'était pas encore de la merde. Le black album de Metallica, Guns, Nirvana, Queen, Prince, Mickaël Jackson. Je me suis acheté une guitare, je l'ai regardé pendant deux semaines sans la toucher, puis j'ai mis mes doigts et ils sont encore dessus depuis. Ceci dit, je ne me prétends pas "musicien" car je sais aujourd'hui, ce que ça veut dire pour avoir travaillé avec des pointures... Je suis davantage un auteur-compositeur-interprète et j'ai appris à faire en sorte qu'un projet se créé et arrive jusqu'au bout...

Comment as-tu choisi tes musiciens ? (Comment s'appellent-ils, au fait ?)

Bah, ce ne sont pas "mes" musiciens, j'aime le concept d'énergies qui s'emboîtent bien, c'est un peu bizarre en fait dans RODRIGUE, on est à la fois une équipe et j'aime "l'esprit d'équipe" (car ça fait longtemps que ce projet n'est plus un "égo trip") sans être réellement "un groupe". Ceci dit sur scène, je pense que ça fait "groupe" et qu'on voit qu'on s'entend sincèrement bien même en dehors. Ceux qui ont participé au projet sont nombreux, comme beaucoup de projet "d'artiste", les personnes ont souvent changé en fonction de leurs autres engagements ou en fonction des tournées, des albums. J'ai vraiment eu de la chance, j'ai toujours travaillé avec des mecs aussi doués que sympa. Pour ce troisième album, l'équipe sur scène est composée de Christophe Gratien à la batterie, Hubert Fardel à la basse et contrebasse et Arnaud Lefin aux guitares qui est à mes côtés depuis le début de l'aventure et avec qui nous avons conjointement réalisé l'album.

Quelles sont tes références en matière de rock français ? De musique en général ? D'art en général ? (Films, livres, poésie…)


Oui le rock français est un truc bizarre, sans doute un sous-genre du rock où on aurait mis le rock et où on aurait ajouté la sophistication française, je ne pense pas que ça transpire moins mais c'est souvent plus lyrique et porteur de sens... Les mots en somme, ça change tout... Je n'ai pas de référence de groupe, c'est plus des titres que je trouve tout simplement bien foutus chez Noir Désir, Feu! Chatterton, Les Shérifs, Radio Elvis (sur scène), Dolly, Eiffel, ... Faut dire que c'est tellement rare un bon titre de rock français que lorsqu'on en trouve un, on ne le lâche plus... C'est pour ça que j'écoute bien souvent autre chose ;) Et en ce qui me concerne, je me situe vraiment au milieu de tout, en musique et pour tout le reste, parce que je suis un féru d'art, je regarde tout, j'écoute tout, je veux goûter à tout comme un affamé et j'ai malheureusement un avis sur tout... ce qui me saoule moi même d'ailleurs... Mais bon, j'aime Mozart et les Beatles donc je ne peux pas être une si mauvaise personne...

Quand je t'ai dit que j'écoutais tes chansons et étais un ado, tu as eu l'air assez surpris… Tu as peu de jeunes, dans ton public ?

Ah si si, j'ai même vraiment une chance folle d'avoir un public très très large et éclectique. Le public qui vient aux concerts, ce sont des gens sans a priori, curieux, de tous âges. Je ne fais pas très attention à ça à vrai dire mais si mon public était composé à 90 % d'ados ou à 90% de cinquantenaires, ça en dirait sans doute long sur la musique je pense... Bref je ne rêve ni d'être one direction, ni Adamo dans mon sommeil *Rires* Juste faire de belles choses qui touchent tout ceux qui peuvent recevoir... Et malheureusement ou heureusement, j'ai l'impression que ça s'apprend de "recevoir" de l'artistique... Il y a une telle abondance de culture que j'ai parfois l'impression qu'on est dans de la consommation culturelle interchangeable et sans consistance alors que ces "produits culturels" comme on nous appelle parfois sont avant tout "humains" et à mon avis, seront les derniers à être mis en équation et robotisés... ;)
Bref, non je disais ça juste parce que la plupart des ados que je rencontre sont quand même plus sur Gradur ou le rap en règle générale... Du coup, il est possible que tu sois l'élu envoyé sur Terre pour nous sauver... rires... Non mais je n'ai rien contre le rap... J'aime assez Nekfeu d'ailleurs en ce moment... Et j'adore Stupeflip, un groupe qui marie Rock, Rap et variétés.

Il t'a fallu combien de temps pour écrire Spectaculaire diffus ? Combien de temps pour l'enregistrer ? C'est différent d'un album à l'autre ?
C'est très très différent d'un album à l'autre. Déjà en fonction des envies artistiques, du réalisateur, du nombre de titres. Entre le second et le troisième, il y a une vrai différence de direction artistique, du coup, au niveau de tout le processus, ça change radicalement. Beaucoup d'arrangements pour le second avec l'idée de trouver LA bonne personne pour tel arrangement, orchestre symphonique, chansons de plus de 5 minutes, 16 titres. Et le troisième où l'idée était de le faire avec l'équipe "live" et avec une homogénéité sonore entre les 12 titres...
Il y a toujours des chansons très récentes et très vieilles dans chaque album. Sur cet album, par exemple, L'attache, Iris, Sa chatte sont des titres composés récemment alors qu'International ou Des pas ont été composés avant le premier album ou entre le premier et le deuxième
J'écris toujours en moyenne le double de titres par rapport à ceux qui seront effectivement enregistrés,
ce qui est inutile dans la mesure où aujourd'hui, il suffit surtout d'un single fort...

Comment réalises-tu tes clips, comment tu les prépares ? Il y a une grande équipe derrière, non ?

Ce sont des expériences incroyables à chaque fois et j'adore ça, c'est un peu la cerise sur le gâteau de l'album. ça dépend là aussi du côté artistique et des moyens financiers, En tout cas, j'ai découvert ce que c'était une grosse équipe de tournage sur "L'Indien" et "Un petit mot de travers", tous les deux réalisés par Alexandre Dinaut avec un scénario écrit en commun et j'ai trippé. Il y a un fort esprit d'équipe justement sur les lieux de tournage je trouve, sans doute parce qu'on sait qu'on doit être efficace "ensemble" et donner le meilleur "ensemble" dans un laps de temps restreint.

Tu as fait beaucoup de live. Tu y as souvent rencontré un public qui te connaissait ?

Il y a des habitués et puis un public qui découvre aussi, souvent poussé par ceux qui connaissent déjà. Hors des médias mainstream, tout l'art fonctionne avant tout par bouche à oreille... Mais tous les supports pour parler de ce que l'on fait et pourquoi on le fait sont importants, ne serait-ce que pour enthousiasmer un peu plus une volonté déjà amorcée...

Tes concerts ont souvent une assez grosse mise en scène, en tout cas c'est le cas de ceux que tu as posté sur Youtube (Le jour où je suis devenu fou à Denain 2012, avec des acteurs et tout un orchestre, ou L'indien extrait du même live, avec tambour et éclairages…). Comment te viennent les idées pour ce genre de spectacles ?


Sur les spectacles filmés, il y a des surprises effectivement... Mais même sur les dates où nous ne sommes que 4 sur scène, il y en a aussi... Les deux premiers albums imposaient de part leurs titres, une certaine mise en scène puisque j'y interprétais quelque part des "histoires". Sur le troisième album, il faudrait plus parler de "tableaux scéniques"... C'est une autre forme de mise en scène, disons que j'ai toujours soigné l'esthétique et que le théâtre, autre art que j'adore, m'a appris qu'à partir du moment où on est sur scène, tout a un sens, même déplacer un pied de micro... C'est quelque chose qui, même si je voulais m'en défaire, histoire d’être plus "brut", ne se sépare jamais de moi réellement... Mais c'est sans doute ce qui me caractérise en live...

Dans tes chansons, dans tes clips, dans tes concerts, Rodrigue a l'air vraiment fou. Et en vrai ?

Je suis juste un être humain, ce qui ne contredit, ni n'affirme le contraire ceci dit...

Ca te dirait de passer en concert près de Paris ? Le public y est sympa :)

On fait toujours un gros concert parisien pour chaque album, cette année c'était au Café de la Danse en avril et malheureusement, on ne se connaissait pas encore...
Mais j'espère qu'on reviendra... Je cherche toujours un tourneur, pour l'instant même si le projet est entouré par de belles âmes et de bonnes ondes, tout ça est très indé... Mais j'ai toujours cru au potentiel de ce projet, notamment sur la scène française où je trouve qu'il a un petit quelque chose de différent qu'on ne trouve pas ailleurs... Nous allons encore défendre ce live toute cette saison d'ailleurs...

Un petit mot pour finir ?

Juste faire de belles choses...



Un grand merci pour tes réponses et pour ta gentillesse !


Ce sera tout pour cet article un peu spécial…


(Si jamais il y a des ados qui lisent cet article et qui ressentent le besoin d'exprimer leur rejet des Gradur et autres Black M, faites-vous plaisir, les commentaires sont là pour ça.

On sait que vous préférez Maître Gims :P

Convainquez donc Rodrigue que la jeunesse n'est pas perdue, et qu'il n'y a pas que le rap, pour nous autres jeunes.)



Infos sur le groupe :
Line-up :
Rodrigue au chant et à la guitare, Christophe Gratien à la batterie, Hubert Fardel à la basse et contrebasse, Arnaud Lefin à la guitare
Albums :
Le jour où je suis devenu fou (2008)
L'entre-monde (2011)
Spectaculaire diffus (2014)
www.rodrigueweb.com
www.facebook/rodrigueweb
www.youtube.com/rodrigueweb





2 commentaires:

  1. Très chouette chronique construite, réfléchie, nuancée, tout ça, et tu présentes franchement super bien l'univers de Rodrigue (franchement bien cool). L'interview est aussi intéressante et agréable à lire ^^
    Point négatif : une présentation qui différencierait plus tes questions des réponses de Rodrigue serait plus agréable (juste en les mettant en un peu plus grand, ou en gras...). Et ce serait sympa que tu intègres les clips dont tu parles directement à l'article.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci !

      Ok j'fais ça.
      Les clips, bon, ça surchargerait un peu je trouve. A la limite je peux mettre les liens.

      Supprimer